La proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, couramment appelée « loi anti Airbnb », n’a de cesse de faire parler d’elle. Ponctuée de multiples rebondissements, modifiée et adoptée par le Sénat en mai 2024, l’incertitude de son maintien s’est accentuée depuis la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024. Mais alors, à quoi doit-on s’attendre aujourd’hui avec la loi anti Airbnb ?
Pourquoi vouloir réguler les meublés de tourisme en France ?
De nombreuses communes souffrent désormais d’un manque crucial de logements longue durée, remplacés au profit des meublés touristiques, plus rentables pour les propriétaires. Cette pénurie entraîne des difficultés pour les résidents à l’année qui peinent à se loger, à cause du manque de biens à la location mais également à cause de l’augmentation drastique des prix due à la rareté des logements disponibles.
L’encadrement des meublés touristiques par cette proposition de loi vise à réguler ce marché afin de redonner une place aux locations meublées longue durée et atténuer la crise du logement.
La différence entre meublé de tourisme et location meublée longue durée
Aux termes de l’article L 324-1-1 du code du tourisme, « les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».
Cette définition du meublé touristique met en lumière l’élément principal permettant de différencier location meublée longue durée et location meublée touristique : le critère de la résidence principale. Les meublés touristiques n’ont pas vocation à devenir la résidence principale du locataire, contrairement à la location longue durée.
Le meublé de tourisme se caractérise généralement par des séjours de courte durée comme des vacances ou un déplacement professionnel temporaire. Il s’agit d’une « clientèle de passage », dont l’objectif n’est pas de faire du logement une habitation principale.
Exemples :
· Vous réservez une villa pour un weekend entre amis dans le sud de la France sur Airbnb. C’est un meublé de tourisme.
· Vous emménagez dans une nouvelle ville et cherchez un appartement meublé où vivre toute l’année. C’est une location meublée longue durée.
La déclaration du meublé de tourisme
Avant d’être proposé à la location, le meublé touristique devra faire l’objet par le loueur d’une déclaration et d’un enregistrement auprès d’un téléservice national, accompagnés de certaines pièces justificatives. À la suite de cette déclaration, le téléservice national transmet au loueur un avis de réception électronique comprenant un numéro de déclaration, valable cinq ans.
La déclaration est ensuite mise à la disposition de la commune dans laquelle est situé le logement. Le maire peut suspendre la validité du numéro de déclaration si le logement est visé par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, mais nous reviendrons sur les pouvoirs accordés aux communes à la fin de l’article.
La performance énergétique des meublés de tourisme
Les propriétaires le savent : la performance énergétique des logements est au cœur des préoccupations depuis que le législateur lutte activement contre les « passoires thermiques ».
La proposition de loi « anti Airbnb » s’inscrit dans cette optique en imposant aux meublés touristiques de présenter un diagnostic de performance énergétique (DPE) compris entre la classe A et E. Cette obligation se durcit à partir du 1er janvier 2034, où le DPE des meublés de tourisme devra être compris entre les classes A et D.
Bon à savoir : ces modifications ne sont applicables qu’en France métropolitaine.
À partir du 1er janvier 2034, le maire de la commune où se situe le logement pourra demander à tout moment au propriétaire de fournir le DPE de son meublé de tourisme dans un délai de deux mois.
Modification de la fiscalité des meublés de tourisme
1. Rappel sur la distinction entre régime réel et régime micro-BIC
Le loueur en meublé, qu’il soit professionnel ou non, a le choix entre deux régimes fiscaux pour l’imposition de ses revenus locatifs :
· Le régime micro-BIC. Ce régime permet au loueur de bénéficier d’un abattement sur son chiffre d’affaires, faisant ainsi baisser sa base imposable. Pour bénéficier des avantages du régime micro-BIC, le loueur ne doit pas dépasser un certain seuil de recettes locatives.
· Le régime réel. Ce régime permet au loueur de déduire toutes les charges liées à son investissement immobilier de son chiffre d’affaires, faisant ainsi baisser sa base imposable.
Lorsque le seuil du régime micro-BIC est dépassé, le régime réel s’applique automatiquement. Le propriétaire peut également opter volontairement pour le régime réel même lorsque le micro-BIC est applicable.
2. La fiscalité des locations touristiques avant la réforme
De nombreux propriétaires profitent de la niche fiscale offerte par la location des meublés de tourisme. Actuellement, faire de location saisonnière d’un meublé non classé offre les mêmes avantages fiscaux en micro-BIC qu’une location meublée longue durée :
· Un régime micro-BIC applicable jusqu’à 77 700 € de revenus locatifs (188 700 € pour un meublé classé)
· Un abattement de 50% sur le chiffre d’affaires (71% pour un meublé classé)
🤑 À une différence près : un meublé de tourisme se loue bien plus cher qu’une location longue durée.
À première vue, tout est réuni pour encourager les propriétaires à délaisser la location longue durée au profit du meublé de tourisme. C’est pourquoi la proposition de loi « anti Airbnb » entend proposer une fiscalité moins avantageuse pour pousser les propriétaires à se tourner vers la location longue durée.
3. La fiscalité des locations touristiques après la réforme
Le nouvel article 50-0 du code général des impôts maintient la distinction fiscale entre meublé touristique classé et meublé touristique non classé. Les abattements et seuils d’application du régime micro BIC sont néanmoins revus à la baisse.
✅ Pour un meublé touristique non classé, le régime micro-BIC est applicable jusqu’à 23 000 € de revenus locatifs. Il permet de bénéficier d’un abattement de 30% sur le chiffre d’affaires.
✅ Pour un meublé touristique classé, le régime micro-BIC est applicable jusqu’à 77 700 € de revenus locatifs. Il permet de bénéficier d’un abattement de 50% sur le chiffre d’affaires.
Lorsque les seuils sont dépassés, le régime réel s’applique automatiquement.
Bon à savoir : ces modifications fiscales ne sont pas rétroactives. Elles ne s’appliquent donc pas aux revenus perçus en 2024. Elles s’appliqueront en principe pour les revenus perçus en 2025.
Une meilleure régulation du marché grâce aux maires des communes
La proposition de loi modifie le rôle des maires des communes dans la régulation du marché des meublés touristiques, qui pourront désormais :
· Prononcer une astreinte administrative de 100 € par jour aux propriétaires qui n’auraient pas transmis le DPE dans le délai de deux mois prévu par la loi à compter de la demande du maire.
· Fixer, par une délibération du conseil municipal, le nombre maximal d’autorisations temporaires de changement d’usage qui peuvent être délivrées sur des zones géographiques délimitées ou la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage.
· Sanctionner les propriétaires d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 5 000 € si le meublé touristique ne respecte pas les niveaux de performance d’un logement décent.
· Sanctionner les propriétaires d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 20 000€ si le propriétaire effectue une fausse déclaration préalable ou utilise un faux numéro de déclaration.
· Sanctionner les propriétaires d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 10 000€ si le propriétaire ne réalise pas la déclaration et l’enregistrement de son meublé touristique.
Et après ?
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024, la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale reste en suspens. La discussion autour de cette proposition de loi est donc en pause.
Quoiqu’il en soit, d’un point de vue fiscal il n’y aura pas d’effet rétroactif des nouvelles dispositions, qui seront applicables non pas pour les recettes locatives de 2024 mais bien pour les recettes locatives de 2025.
Références juridiques
· Article 50-0 du code général des impôts
· Article 1407 du code général des impôts
· Article L324-1-1 du code du tourisme
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