Un immeuble fait l’objet d’un arrêté de péril. L’occupant est relogé aux frais de la commune qui en demande le remboursement aux « bailleurs ». Or : - logement déclaré vacant depuis 2008, - pas de loyers perçus depuis 14 ans. Cependant, les propriétaires reconnaissent avoir consenti un bail « verbal » 18 ans auparavant. Quelle est la durée du bail verbal ? Est-il conclu à durée indéterminée ? ou est-il soumis à la loi du 6 juillet 1989 en dépit du non-respect du contrat-type ?

FAITS :
Un arrêté de péril frappe un immeuble de Marseille en 2012. La commune de Marseille prend en charge les frais de relogement de l’occupant et met en demeure les propriétaires indivis de lui rembourser.
Or, le tribunal constate que ce dernier est occupant sans droit ni titre depuis 1998.
La commune assigne les propriétaires et le locataire en tierce opposition à ce jugement.
Par un arrêt du 25 juin 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence confirme le caractère illicite de l'occupation retenant notamment que :
- L’indivision s’acquittait de la taxe d’habitation sur les logements vacants depuis 2008,
- L'occupant n’a payé aucun loyer depuis 1998.
PROBLÉMATIQUE :
Le bailleur peut-il prétendre que le bail verbal est arrivé à son terme à défaut de délivrance d’un congé et alors que l’occupant ne justifie pas du règlement d’une contrepartie ?
La loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs est une loi d’ordre public. Sont concernés les articles 1er à 25-2 relatifs aux rapports entre bailleurs et locataires. Aussi, la durée est une mention impérative à laquelle les parties ne peuvent pas déroger même d’un commun accord.
Le bail oral est-il nul ?
Le bail doit être écrit (article 3 de la loi de 1989 précitée). Pourtant, en pratique, le bail oral reste relativement fréquent. Dans un souci de protection du locataire, le bail verbal est valable selon une jurisprudence bien établie (Cass. 3e civ., 7 févr. 1990, n° 88-16.225).
Quel est le régime juridique du bail verbal ?
Le bail non écrit reste soumis à la loi du 6 juillet 1989. La difficulté est celle de (i) la preuve de l’existence d’un bail mais également (ii) la preuve de son point de départ.
Cette preuve peut résulter du paiement des loyers, des factures (eau, électricité…) ou encore, par exemple, de la date d’effet de l’assurance.
Cette date d’effet va conditionner la durée du bail mais également la date à laquelle, le cas échéant, le bailleur pourra donner congé. C’est ici l’apport de l’arrêt publié au bulletin de la Cour de cassation le 17 novembre 2021.
🏛️ SOLUTION :
La Cour de Cassation considère que :
« Vu l'article 10, alinéas 1 à 3, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :
10. Il résulte de ce texte que le bail verbal portant sur un logement à usage d'habitation principale conclu par des bailleurs personnes physiques, en SCI familiale ou en indivision, l'est pour une durée au moins égale à trois ans, et qu'en absence de congé valablement donné par les bailleurs, ce contrat parvenu à son terme est reconduit tacitement par périodes triennales.
11. Pour rejeter la demande de la commune tendant à voir reconnaître le caractère licite de l'occupation par M. [M] du logement appartenant aux consorts [G], l'arrêt énonce que, si l'existence d'un contrat de bail verbal entre 1994 et 1998 n'est pas contestée par les parties, sa reconduction tacite ou son renouvellement ne peut être supposé. 12. En statuant ainsi, alors qu'à défaut de congé délivré par le bailleur, le bail verbal est tacitement reconduit, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »
À défaut de congé délivré par le bailleur, le bail verbal est tacitement reconduit. Il n’est pas reconduit pour une durée indéterminée mais par périodes triennales. L'article 10 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 s'applique donc au bail d'habitation, qu'il soit écrit ou verbal.
👉 Le bail verbal est valable.
👉 Les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 relatives à la durée et au renouvellement sont impératives.
👉 Le congé ne se présume pas même si l’occupant ne paie plus son loyer et que le logement est déclaré vacant.
Cette jurisprudence s’applique également en cas de requalification d’un contrat en bail d’habitation. Prenons l’hypothèse d’un propriétaire qui prête un studio à un ami.
La mise à disposition à titre gratuit d’un bien constitue un prêt à usage (commodat) régi par les articles 1875 et suivants du code civil. Souvent, aucun contrat n’est signé.
Le prêteur peut-il obliger l’emprunteur à quitter le bien ? L’obligation de restitution est l’essence même du prêt à usage. L’article 1888 du code civil précise que le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu’après le terme convenu. Or, lorsqu’aucun terme n’a été convenu pour le prêt d’une chose à usage permanent (tel qu’un logement d’habitation), le prêteur est en droit d’y mettre un terme à tout moment à condition de respecter néanmoins un délai raisonnable.
En l’espèce, la situation soumise à la Cour de Cassation ne pouvait pas s’analyser comme un prêt à usage. Il n’était pas contesté que l’occupant avait bénéficié d’un bail oral de 1994 à 1998. Or, les propriétaires ne justifiaient d’aucun congé (dans un délai raisonnable ou non).
Cependant, s’il existe une contrepartie à ce « prêt » telle que la réalisation de travaux importants, le contrat de prêt peut être requalifié en louage et sera alors soumis à la loi de 1989. En conséquence, il ne pourra faire l’objet d’un congé par le propriétaire à tout moment mais par période triennale.
La rédaction d’un écrit limite naturellement le risque de contestation de la qualification et, à tout le moins, déterminera la date d’effet du contrat.
Dans tous les cas, la résiliation ne peut être tacite. Un congé doit être délivré.
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