En cas de travaux en copropriété, plusieurs entreprises doivent être sollicitées afin de respecter l’obligation de mise en concurrence. Un seul devis peut être transmis aux copropriétaires si c’est l’unique entreprise à répondre malgré les différentes demandes.
En revanche, la communication de plusieurs devis suffit-elle à respecter l’exigence de mise en concurrence dans la mesure où un seul des devis (celui choisi par l’architecte) est soumis au vote ?
En d’autres termes, l’obligation de mise en concurrence est-elle satisfaite si chacun des devis n’est pas soumis au vote de l’assemblée générale ? La Cour de cassation tranche cette question dans un arrêt récent.
📌 FAITS :
Une assemblée générale des copropriétaires se réunit le 23 juin 2016. L’une des résolutions adoptées porte sur des travaux de ravalement de façade avec isolation thermique par l’extérieur.
Est soumis au vote un seul devis : celui de l’entreprise préconisée par le cabinet d’architectes. Or, les copropriétaires ont communication du rapport établi par le cabinet d’architecture dans lequel il procède à un audit des différents devis et explique les raisons du choix de l’entreprise dont le devis est soumis.
L’un des copropriétaires sollicite, notamment, l’annulation de la résolution en se fondant sur l’absence d’information des copropriétaires et de mise en concurrence.
La cour d’appel confirme le jugement du tribunal d’instance de Versailles rejetant la demande d’annulation de la résolution. La cour d’appel a considéré que les copropriétaires avaient été en mesure de voter cette résolution en connaissance de cause eu égard à la communication du rapport (CA Versailles, 15 décembre 20220, n°18/05469).
La Cour de cassation casse cet arrêt.
🤔 PROBLÉMATIQUE :
La mise en concurrence impose-t-elle de soumettre chacun des devis régulièrement notifiés au vote de l’assemblée générale ?
Il convient de rappeler les conditions dans lesquelles la mise en concurrence est obligatoire avant de s’interroger sur la portée de cet arrêt concernant les modalités de cette obligation.
Fondements juridiques :
Il faut distinguer la mise en concurrence du contrat de syndic de celle concernant les « marchés de travaux et les autres contrats ».
L’assemblée générale a la faculté de déterminer le montant à partir duquel la consultation du conseil syndical est obligatoire (article 21 de la loi de 1965 précitée). Les marchés et les contrats concernés sont précisés par l’article 19-2 du décret de 1967.
Nombre de copropriétés ne fixe pas ce seuil de déclenchement de la procédure de mise en concurrence.
Aussi, il convient de se référer, de nouveau, à l’article 19-2 précité : l’exigence de mise en concurrence est réputée remplie dès lors que plusieurs devis (au moins deux) ont été demandés ou dès lors qu’un devis descriptif a été établi et soumis à l’évaluation d’au moins deux entreprises.
L’exigence de mise en concurrence est-elle respectée dès lors que plusieurs devis sont sollicités mais qu’un seul est soumis au vote ?
🏛️ SOLUTION :
La Cour de cassation répond par la négative et considère que :
❝ Vu les articles 21 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et 19-2 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 :
5. Selon le premier de ces textes, l'assemblée générale des copropriétaires arrête un montant des marchés et des contrats, autres que celui du syndic, à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire.
6. Selon le second, la mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats, autres que le contrat du syndic, lorsque l'assemblée générale n'en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l'établissement d'un devis descriptif soumis à l'évaluation de plusieurs entreprises.
7. Il résulte de ces textes que la mise en concurrence impose, lorsque plusieurs devis ont été notifiés au plus tard en même temps que l'ordre du jour, qu'ils soient soumis au vote de l'assemblée générale.
8. Pour rejeter la demande d'annulation de la résolution n° 20, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, quand bien même un seul devis a été soumis au vote de l'assemblée générale des copropriétaires, plusieurs devis ont été joints à la convocation et le maître d'œuvre a procédé à leur audit en expliquant les raisons du choix de l'entreprise retenue, de sorte que les copropriétaires ont été en mesure de voter cette résolution en connaissance de cause. ❞
💡 Dès lors que plusieurs devis sont communiqués et joints à la convocation, ou régulièrement notifiés aux copropriétaires (conformément à l’article 11-I 3° du décret de 1967 : au plus tard en même temps que l'ordre du jour) chacun d’eux doit faire l’objet d’un vote. Il est dont exclu que l’assemblée générale ne vote que sur un seul devis.
La Cour de cassation considère que le vote peut valablement porter sur un seul devis dès lors que plusieurs devis ont été sollicités même si, au final, un seul devis a été transmis les entreprises n’ayant pas répondu (Cass. civ. 3ème, 27 novembre 2013, n° 12-26.395, Bull civ. III n°253).
Or, il est différent (i) de faire diligences mais de ne pouvoir soumettre qu’un seul devis et (ii) de choisir en amont l’entreprise soumise au vote.
En effet, la mise en concurrence n’est pas une simple comparaison. C’est la possibilité de voter qui traduit le respect de cette mise en concurrence.
Aussi, l’architecte ou le maître d’œuvre peut préconiser une entreprise mais c’est l’assemblée générale qui demeure souveraine. Considérer que l’information relative aux autres devis est suffisante (pour apprécier la mise en concurrence) pose d’ailleurs difficulté en cas de rejet du devis soumis au vote. En effet, les copropriétaires ne pourront, en dépit de leur accord, choisir un devis s’il n’était pas prévu à l’ordre du jour.
La cassation paraît ainsi justifiée.
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