En cas de vente, l’agent immobilier a droit à rémunération dès lors que son intervention a été déterminante à la conclusion de la vente.
Le critère de l’intervention essentielle et déterminante n’est pas prévu par les textes. Les tribunaux ont donc une grande souplesse d’interprétation. Lorsque plusieurs agences ont été mandatées, quels sont les critères pour déterminer quelle agence a mené à bien les pourparlers ?
En particulier, l’agent doit être en mesure de justifier de ses diligences et notamment des visites (bons de visite).
📌 FAITS
Par mandat non exclusif, les propriétaires confient la vente de leur maison à une première agence. Celle-ci fait visiter le bien aux futurs acquéreurs le 5 mars 2015.
Le jour de cette visite, le 5 mars 2015, les propriétaires mandate une seconde agence immobilière (mandat non exclusif également). Le 18 mars 2015, les futurs acquéreurs font une seconde visite mais avec la seconde agence.
Le 20 mars 2015, ils formulent une offre d’achat qu’ils adressent par emails à :
- 16h32 à la première agence,
- 19h19 à la seconde.
Un compromis de vente est établi par la seconde agence qui prévoyait une commission de 19.960 € mais répartie à hauteur de 5.000 € pour la première agence et 14.960 € pour la seconde. Ce projet ne semble avoir été signé que par les acquéreurs car contesté par l’autre agence.
Par la suite, c’est le notaire qui établit une promesse unilatérale de vente par acte authentique. Cette promesse prévoit qu’en l’absence d’accord de répartition entre les agences, la commission reste consignée entre les mains du notaire, rédacteur de la promesse unilatérale et de l’acte définitif.
Chacune des agences assigne les vendeurs en paiement de sa commission.
Cependant, les deux affaires sont jointes. En première instance et en appel, les vendeurs ont été condamnés à régler la moitié de la commission à chacune des agences.
🤔 PROBLÉMATIQUE :
À quel agent immobilier, la commission est-elle due lorsque :
👉 l’acheteur a visité une fois avec chacun des agents,
👉 le mandat de la seconde agence a été signé le jour de la visite effectuée par la 1ère agence,
👉 l’offre d’achat est adressée à chacune des agences,
👉 la seconde agence a rédigé un projet de compromis signé par les acquéreurs,
👉 la vente est conclue au terme d’une promesse unilatérale de vente et un acte définitif rédigés tous deux par le notaire ?
Cet arrêt est l’occasion de rappeler les conditions du droit à commission de l’agent immobilier en cas de concours de mandataires.
Principe prétorien :
Lorsqu'une personne a donné à plusieurs agents immobiliers un mandat non exclusif de vendre le même bien, elle n'est tenue de payer une rémunération ou une commission qu'à celui par l'entremise duquel l'opération a été effectivement conclue.
Cette solution est ancienne et résulte notamment d’un arrêt publié au bulletin du 16 octobre 1983 (Cass, civ. 1re, 16 oct. 1983: Bull. civ. I, no 259).
👉 La mission de l’agent est remplie si son intervention a été déterminante.
👉 L’agent doit prouver qu’il a mis en présence les parties.
👉 L’agent doit avoir engagé et mené à bien les négociations.
🏛️ SOLUTION :
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi :
❝8. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a constaté que le bien, vendu aux termes d'une promesse unilatérale de vente et d'un acte définitif rédigés tous deux par le notaire chargé de la vente, avait été visité une première fois par M. et Mme [O] par l'intermédiaire de la société CID, que le jour même de cette visite, la société ORPI avait obtenu un mandat non exclusif par les vendeurs et que, par courrier électronique du 20 mars 2015, M. et Mme [O] avaient formulé une offre au prix adressée tant à la société ORPI qu'à la société CID.
9. Elle a pu en déduire, procédant à la recherche prétendument omise, que les deux agences avaient participé à la vente effectivement conclue et ce, sans qu'il ne fût démontré que l'activité de l'une ait été plus essentielle et déterminante que celle de l'autre, de sorte que la commission devait être partagée par moitié entre les deux agences immobilières.
10. Elle a ainsi légalement justifié sa décision. ❞
💡 La visite reste un élément déterminant. L’attention portée au bon de visite par l’agent est indispensable.
❗Contrairement à une croyance répandue, le bon de visite antérieur ne prime pas sur les visites faites postérieurement par d’autres agents.
La jurisprudence ne prend pas en compte la chronologie (En ce sens : Cass. 1re civ., 9 juill. 2002, n° 00-13.410, n° 1114 F - P + B : Bull. civ. I, n° 184). Le présent arrêt ne fait pas exception.
La Cour retient que le second mandat est conclu le même jour que la visite effectuée par la première agence. Pour autant, elle n’en déduit pas que la 1ère visite n’a pas été déterminante. Au contraire, chacune des agences a concouru à la vente.
Aussi, l’intérêt de cette affaire est que les autres éléments n’ont pas permis à la Cour de déterminer quel mandataire avait eu une intervention déterminante dans la conclusion de la vente. Selon la doctrine, il semble que ce soit la première fois que les juges optent pour le partage d’honoraire.
La promesse unilatérale de vente consentie par acte authentique a également été un point clé. Le projet de compromis signé par les acquéreurs et préparé par la seconde agence n’a pas été pris en compte.
💡Les professionnels doivent être particulièrement vigilants à pouvoir justifier de leurs diligences notamment par un bon de visite. La rédaction de leur propre acte peut également démontrer le caractère essentiel et déterminant de leur intervention.
On peut s’interroger sur l’issue du litige si les deux affaires n’avaient pas été jointes ou encore si le mode et le montant de leur commission avaient été radicalement différents.
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